Manuscrit en cours d’écriture
Une vieille dame riche de Lima a invité Alberto Borges à passer une année en Champagne. Il assiste, à la bibliothèque municipale de Verzenay, à la présentation des livres de Simon Brocas auprès du Club de lecture.
Une assemblée de dames attendait l’auteur. Alberto choisit de s’asseoir en retrait des tables disposées en carré, une tasse de café et une part de gâteau fait maison à la main. Il adora les échanges. Il y avait une dizaine de participantes du club de lecture. La moyenne d’âge était proche de la cinquantaine. Avec sa perfidie habituelle, Alberto pensa que si les participantes avaient plutôt approché la trentaine, les livres auraient été remplacés par des téléphones portables. Etonnant de constater que dans un village d’un millier d’habitants et ses alentours, il y avait des lectrices aussi avisées. Le premier tour de table consista en une présentation des livres que chacune avait aimés. Elles auraient pu jouer une mauvais parodie d’émissions littéraires, avec des mots et des expressions qu’on pouvait attendre de journalistes et critiques. Pas du tout, elles s’exprimaient avec la sincérité de la passion. Lorsque, plus tard, Alberto le fit remarquer à la présidente du club, elle lui répondit qu’elles revendiquaient la subjectivité, que leur but était de transmettre au groupe leur coups de cœur. Peu importe si leurs arguments étaient susceptibles d’être invalidés par des critiques littéraires et même qualifiés de sottises, jugements définitifs dont, en France, ils usaient avec délectation.
– De toute façon, quels critiques se risqueraient hors du microcosme parisien jusqu’à un petit village comme Verzenay ? s’esclaffa-t-elle.
– Pas sûr, rétorqua Alberto. Ils pourraient être attirés par la qualité de votre champagne.
Photo : ©Giovanna Boisson 2024