Vox Latina
Par un matin frais du mois d’avril, vers cinq heures, je sortis de Tamatave. Dès le début, les lacets de la jolie route goudronnée m’amusèrent. La Honda adhérait parfaitement à la chaussée et les sacoches bourrées d’habits et de matériel de toute sorte, amarrées au porte-bagage soudé la veille, ne me ralentissaient pas. Le soleil et bientôt la mer, au détour d’un virage, confortèrent mon optimisme. A Mahambo, station balnéaire de fortune, je m’arrêtai pour piquer une tête et boire un robusta. Sur un cocotier, deux makis[1] blancs se poursuivaient en poussant des cris stridents. La plage de sable blanc était vide et luisait sous le soleil. Seul un employé du petit hôtel promenait un râteau pour que le soleil cuise les œufs pondus dans le sable par les insectes nichés près des mangroves.
En partant, j’aperçus un groupe de pêcheurs. L’un d’eux me montra un petit requin-marteau qu’ils venaient d’attraper. J’avais l’impression de découvrir l’île et regrettais déjà les longs mois sans sortir quasiment de la ville. Une pensée meurtrière pour Agénor Andriamanantsoa occupa un instant mes pensées.
Quelques kilomètres avant Fénérive, la route sillonne des collines par de nombreux virages. Au détour du dernier, j’eus face à moi une série de criques qui semblaient avoir été posées là pour finir en cartes postales.
Mon arrivée ne passa pas inaperçue. Tandis que je faisais le plein dans la seule station de la ville, je fus surpris par l’apparition d’une moto. Rachid, rayonnant, m’asséna une grande claque dans le dos. – Alors camarade, c’est demain le grand départ !
[1] Animaux de la famille des lémuriens.
Marc Boisson, Vox Latina, Le Manuscrit, P. 127, 128 – 2011