Le regard du public montrait qu’il avait confirmation de l’étonnant talent que Pierre-Alain lui avait attribué. Comme on n’aime bien que ce qui nous flatte, son estime à l’endroit de l’ex mari inélégant connut une remarquable embellie. Lorsqu’il lui tendit à sa façon péremptoire et décidée une partition noire de signes compliqués, Simon s’extraya[1] de sa soudaine bienveillance. Il eut le temps de lire La Campanella. Il avait entendu comme tout un chacun ce morceau qu’il aimait beaucoup. Quant à savoir si l’affection était réciproque… Mais il n’était plus lui-même. Son regard était à la fois intérieur et posé vers l’extérieur. Il y avait la scène, le bois, la clarté du petit espace et le pianiste qui ne connaissait rien à la musique. La peur s’était envolée. L’exécution lui parut à la hauteur de sa sérénité. La succession des accords l’emporta. Et il se redemanda comment diable il parvenait à déchiffrer la partition à livre ouvert. Comment des feuilles qui continuaient à lui apparaître de loin comme des gribouillis incompréhensibles s’éclairaient-elles sous ses yeux ?
[1] NdA : encore un verbe qui n’existe pas au passé simple, je ne vois pas pourquoi.
Le piano, p. 30
Photo : ©Marc Boisson, 2024
(Si vous vous Ă©tonnez de la mention du Copyright pour une photo aussi banale et peu rĂ©ussie, voici l’explication)
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