Il est mort Jim
« Nous allâmes chercher notre créanciale à la cathédrale du Puy. Pour être exact, je la ramenai à Napoléon car l’oecuménisme de l’Eglise n’allait pas jusqu’à l’accepter en son sein. Il allait pourtant prouver qu’il était un bon pèlerin et c’était déjà un coeur pur. J’assistai à la messe de 7H avec des gens habillés comme pour l’ascension du Mont-Blanc. Je me demandai s’ils avaient laissé leurs piolets à l’entrée, comme moi mon chien à la maison. L’accumulation de désagréments me conduisit à des pensées négatives. Je n’aimais pas beaucoup les liturgies catholiques et eus un haut-le-coeur en m’imaginant marcher pendant des jours aux côtés de ces anoraks colorés et de ses pantalons en velours. Je souffris plus encore lorsque le prêtre, après la messe trop matinale et la distribution des créanciales, interrogea la foule avec le doigt pointé d’un instituteur. Un fort accent répondit qu’il venait du Québec, un autre d’ici, un troisième de là. Le Chemin de Compostelle était-il un voyage organisé ? Le prêtre en soutane chausserait-il des brodequins pour chanter des cantiques avec nous à la manière des transhumances des scouts ? Je fus soulagé quand je constatais qu’il ne se mêlait pas aux flots des pèlerins qui dévalèrent, sitôt la cérémonie terminée, les hautes marches de la sortie de la cathédrale, comme s’il avait donné le départ d’une course à pied. »
Marc Boisson, Il est mort Jim, Ezema, 1ère édition, p. 338