Je fais la supposition que nombre d’entre nous pensent au M. Jourdain de Molière, qui faisait de la prose sans le savoir, lorsqu’ils agissent à leur insu. Voilà que je faisais sur ce site de la multimodalité sans le savoir.
Je suis très fier que des chercheurs aient inclus mon expérience dans leurs travaux. Très heureux d’avoir été invité à la grande université mexicaine qu’est l’Unam pour un long témoignage. Très touché aujourd’hui par l’article signé par Maria Lucia Claro Cristovão, professeure à l’Université Fédérale de São Paulo – Unifesp.
Il est paru dans la revue Synergies sous le titre « Lectures littéraires multimodales en classe de français langue étrangère ».
En voici quelques extraits :
[…]Avec la mise en ligne de ses romans Il est mort Jim et Vox Latina, l’écrivain français Marc Boisson potentialise les possibilités de lecture d’un texte littéraire qui était déjà fort, original et pluriel dans sa version imprimée. Insérée dans un environnement virtuel marqué par la multimodalité […] et construit par l’écrivain lui-même, la publication numérique de ces romans ouvre de nouvelles possibilités pour la didactique de la lecture littéraire multimodale en cours de FLE. […].Depuis 2014, l’écrivain français Marc Boisson met à la disposition de ses lecteurs la version intégrale de deux de ses romans : Il est mort, Jim (2014), publié sur son site Internet et Vox Latina (2002), publié sur la page facebook dédiée à l’ouvrage. L’auteur a ainsi transposé la version imprimée de ces deux romans sur un espace numérique marqué par la « multimodalité ». Ce concept de multimodalité a été redéfini et développé par les chercheurs G. Kress et T. Van Leeuwen (2001, 2006) à partir des travaux de M. K. Halliday (1978) et fait référence à la présence dans un texte de différents modes sémiotiques (langue écrite, langue orale, images fixes et mobiles, sonorités, musique…) qui interagissent dans la construction du sens. […] Avant d’analyser comment la construction du sens du texte littéraire se retrouve transformée par l’environnement multimodal créé par l’auteur, nous allons tout d’abord nous pencher sur les caractéristiques stylistiques de ces deux romans dans leur version imprimée et donc monomodale, c’est-à-dire, constituée d’un seul mode sémiotique – dans ce cas, le texte écrit. Plusieurs raisons nous ont menés à choisir ces deux romans pour travailler le texte littéraire en classe de FLE à partir d’une approche subjective. En voici quelques-unes : un auteur qui crée des « espaces » dans son texte, qui laisse des espaces à compléter, qui évite l’évident, qui surprend constamment le lecteur ; un texte littéraire pluriel et multifacette ; un texte qui incite à l’interprétation, qui sollicite l’intervention et la participation du lecteur pour la construction du sens. Il y a dans les romans la présence de ces « tensions » nécessaires (GERVAIS, 2006) pour rendre possible le passage à un degré plus approfondi et plus enrichissant de lecture. Autrement dit, nous disposons de tous les éléments nécessaires pour passer du niveau de compréhension à celui de l’interprétation ; un procédé de narration original et surprenant, avec une alternance des plans d’énonciation et un recours fréquent au discours indirect libre ; un récit également pluriel dont l’ordre n’est pas chronologique ; des effets de surprise, l’inattendu dans le fond et dans la forme, de l’humour. Il s’agit par conséquent de textes littéraires qui incitent le lecteur à créer des images mentales non seulement à partir de l’univers proposé et décrit dans l’œuvre mais aussi à partir des « espaces » à compléter qui sont créés par l’auteur. Ces deux romans de Marc Boisson favorisent ainsi le développement de plusieurs activités fictionnalisantes (LANGLADE) chez le lecteur-sujet, notamment la « concrétisation imageante » dont parle Paul Ricoeur.[…] Dans la publication multimodale des romans Vox Latina et Il est mort Jim, l’image n’épuise ni ne se substitue à la construction visuelle du lecteur, aux concrétisations imageantes (RICOEUR, 1984). Au contraire, elle incite le lecteur à de nouvelles créations, constructions, associations. L’image peut souvent surprendre, elle n’est pas simplement illustrative. Elle crée aussi des espaces à compléter.
Revue Synergies Brésil nº13