Le piano, Manuscrit p. 16
Pierre-Alain laissa un répit à Simon, tant que les morceaux de pain qu’il avalait avec la croustade, en dépit de la désapprobation muette mais néanmoins visible de son épouse, lui obstruaient la bouche et lui tenaient la langue. Au poisson et son lit de fenouil, il s’étonna de ne pas connaître son nom. Il répondit qu’il était un amateur, et que d’ailleurs il avait un travail qui n’avait rien à voir avec la musique. La femme élégante exclama une désapprobation : « Simon, enfin, tu as un tel niveau ! ». Dès la circulation du plateau de fromage, il s’entendit demander où il avait étudié. « Et bien, Pierre-Alain, dans un conservatoire. Quel meilleur endroit, tu ne trouves pas ? ». Avant que la glace ne fonde sur son caramel salé, le mari inélégant voulut connaître la liste des concerts qu’il avait donnés, le nom des musiciens et des orchestres avec lesquels il avait joués. Clara s’agaça alors et lui suggéra, avec une ironie qu’elle réussit à teinter de diplomatie, qu’il leur fournisse un formulaire dans lequel ils pourraient ajouter les adresses et numéros de téléphone de l’ensemble de ces salles, interprètes et orchestres.
Aussitôt le repas terminé, Simon fut invité à rejoindre le piano.