Un des rares autocars diffusant de la musique baroque arriva à bon port à Mirecourt. La sexagénaire rayonnante, qui prétendait diriger la petite troupe comme son agence, les conduisit à l’hôtel puis en visites. Il faut préciser que cette petite ville des Vosges, inconnue du commun des mortels, est un haut lieu de fabrication d’instruments. L’alignement des violoncelles dans un atelier saisit l’œil de Simon tandis que le luthier partageait la passion de son métier. « Depuis quatre siècles, Mirecourt est le lieu de la fabrication des archets et des instruments à corde. Nous sommes même la capitale mondiale de l’archèterie. Lorsque vous observez un violon, si vous n’êtes pas musicien, vous ne pensez pas à son archet. Certains valent aussi des fortunes ». Mirecourt avait échappé à son destin de petite ville sans importance, mêlée aux nombreuses appellations au même suffixe dans l’est de la France, en devenant au XVIIIe siècle un haut lieu de la fabrication des violons. Tandis que dans leurs petits ateliers qui sentaient le bois et la colle, des artisans pliaient des arbres pour en faire des notes, Bach régnait sur les orgues de Leipzig. Lui aussi était un artisan souvent appelé pour les réglages des monstres des églises. Un musicien était présent dans l’atelier, qui essaya un violon devant l’œil gourmand du luthier. Ils s’accordèrent pour trouver le nouveau-né cristallin. On ne savait pas si l’interprète avait été placé là en représentation, sorti du placard pour les visiteurs.
Le piano, Manuscrit, p. 99