Extrait de mon manuscrit en cours
Le soleil qui inondait la pièce à mon réveil s’était rafraichi de nuages qui jouaient à cache-cache avec mon piano. Je posai une boisson mentholée gazeuse sur le haut de l’instrument et adressai mes doigts désormais confiants à la nacre des touches. Je n’avais pas hésité pour l’entrée en concert. J’entamai les notes de la partition du prélude et fugue BWV 855 du clavier bien tempéré. Mon regard s’en éloigna bientôt, sans que je m’en rendisse compte, pour plonger dans le va-et-vient de la mélodie que mes doigts expiraient comme s’ils l’avaient toujours connue. Ils débutèrent lentement, comme la composition le demandait, revinrent sur eux-mêmes, partirent en ligne droite, firent battre le contrepoint d’une main l’autre, dont le morceau ne se départirait plus, un rythme de fond qui lui offre son ossature et sa confiance pour exprimer sa liberté. Les notes s’accélèrent ensuite comme si elles allaient chuter mais demeurent toujours debout, vives, parfaites. Je jouai encore et encore les deux minutes de cette offrande que Bach a faite à la plénitude sans présager de sa postérité.