Le piano p. 77 (manuscrit en quête d’éditeur)
Simon Brocas, après avoir été frappé de mutisme, se rend à l’Ile Saint Honorat pour une retraite. Il y rencontre le frère José Rabalnesco, qui n’est pas un inconnu..
Au soleil ombragé du jardin du cloître où il aimait débuter les après-midis, il repensa à l’accueil chaleureux du prêtre à sa musique. « C’est peu dire que tu as un bon niveau. Je pense plutôt que tu as celui d’un virtuose ». Il avait ajouté, avec des étincelles de feu jupitérien dans les yeux, qu’il n’était plus question de parler d’autre chose que de miracle. « Un miracle, qu’il faudrait d’ailleurs peut-être déclarer au Vatican ». « Mais » ajouta-t-il :
– Il faut te garder de l’illusion de la gloire. C’est un poison pour l’âme. Comme le dit L’imitation du Christ, « se […] prémunir contre la vaine gloire. Car nous avons plus d’empressement à chercher Dieu, qui voit au fond du cœur, quand les hommes au dehors nous rabaissent et pensent mal de nous. ».
Rabalnesco recouvrit alors le piano, avec toute la considération qu’il avait à l’évidence pour l’objet, et dit encore :
– Et il ne faut pas te demander ce qu’on peut faire pour toi mais ce que tu peux faire, toi, pour nous.
Il laissa son « hôte » à la sortie de l’église.
– Au-revoir Simon Brocas, n’oublie pas ce que je t’ai dit.
Des fougères, plantées dans un recoin, frémirent lorsqu’il s’éloigna.
Photo : ©Martha Cereda, 2024