Encore Lima ?!!

– Pas de problème, jamais je ne laisserais Lima pour une autre ville.
– C’est marrant. Je n’ai jamais entendu dire que c’était une belle ville.
– Et bien, que ceux qui ne l’aiment pas la laissent à ceux qui l’apprécient.
– Qu’est-ce que tu aimes à Lima ? demanda Valentine.
– Tout, en fait.

Marc Boisson, Il est mort Jim, Ezema, 2e édition, p. 65, 66

 

 

 

 

 


Photo : Lucia Claro, 2018

Lima encore

J’étais déjà passé plusieurs fois devant le couvent Santo Domingo. En retrait de la place d’Armes, avec ses murs roses-ocres salis par la pollution, le bâtiment n’avait jamais attiré mon attention. Je préférais amener les touristes qui me rendaient visite devant le Palais présidentiel au moment du changement de la garde ou marcher un peu plus loin dans la rue Junín pour qu’ils admirent les vieux balcons coloniaux. Lorsque je franchis le porche, je fus saisi par cette odeur caractéristique des églises coloniales liméniennes : l’encens mêlé à la pierre froide.

Il est mort Jim

Lima, toujours

J’aimais, je l’ai dit, parcourir l’enfilade de parcs du Malecón et
Lis-Angela déguster un milk-shake de lúcuma au Mangos, une cafétéria qui
avait une terrasse au bord des falaises. Il n’aurait pas été opportun de s’y
trouver un jour de tremblement de terre.

Il est mort Jim

Il est mort Jim – extrait

Il est mort Jim

A Lima, je devins professeur d’histoire. On me disait assez populaire auprès des étudiants et quelque peu atypique pour les canons de la Pontífica Universidad del Perú, la PUC. J’avais choisi, auparavant, pour mon doctorat, de travailler sur le Sentier Lumineux. On était à la fin des années 1980 et c’était un fait d’actualité. Le mouvement maoïste, dirigé par l’énigmatique professeur Abimael Guzmán, le camarade Gonzalo, ensanglantait le Pérou. Les habitants de Lima vivaient au rythme des annonces d’attentats et des nouvelles de massacres dans les zones reculées du pays. La ville interdisait la circulation dès une heure du matin et jusqu’à l’aube. Invariablement, le couvre-feu amenait les patrouilles militaires. Au détour d’une rue, au milieu des places, les piétons attardés tombaient nez à nez avec des tanks et des militaires peu engageants, menaçants avant l’heure et dangereux ensuite.

Il est mort Jim – extrait

Il est mort Jim

Plus je vieillissais, plus j’aimais me promener sur le bord de mer. J’allais régulièrement sur le Malecón Císneros, à Miraflores, où, du haut des falaises, on embrasse l’océan Pacifique. Il faut dire que j’avais, au fil des années, et après un divorce, réussi à acheter un appartement dans le quartier de Miraflores, avenue Pardo, à deux cuadras du malecón et face à l’ambassade du Brésil, pays qui a sa place dans cette histoire.
Un vendredi après-midi de la fin du printemps, j’avais quitté l’université vers midi et étais directement parti me promener. J’avais acheté une empanada dans une boulangerie dont je me contenterais avec une bière cuzqueña. Je dînai frugalement sur un banc du parc du Phare. Ce n’était pas l’habitude des Liméniens mais je réintégrai vite le mode de vie local lorsque j’achetai une glace de lúcuma au vendeur ambulant marchant à côté de son triporteur jaune.

Il est mort Jim

« J’ai pris le Circuit des Plages. Une brise chaude inondait la voiture. L’odeur de l’océan traînait avec lui sa nostalgie comme si j’étais celui qui partait. Lis-Angela semblait goûter consciemment le paysage. Sans doute disait-elle adieu à Lima. Elle était belle. Je l’observais un peu à la dérobée. Je me souviens de son sourire lorsque nos regards se croisèrent. Il ne me blessa pas car il était défait de la lumière triomphante qui avait accompagné l’annonce de son départ. Je me demandai si j’étais un des éléments du paysage auquel elle disait au revoir. Nous choisîmes de nous séparer après le comptoir de l’enregistrement. La dernière image que je gardai de Lis-Angela fut sa silhouette s’éloignant dans l’escalier roulant vers l’embarquement. »

Il est mort Jim, p. 359

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Concert solitaire

C’est à la dernière note de ce concert solitaire – je rappelle que je reportais les notes de mes étudiants sur le logiciel de l’université, auquel je n’avais accès que sur l’Intranet – que me vint l’idée de rédiger un chapitre récapitulatif de mes recherches. Je ne sais pas comment l’expliquer. J’étais assis au bureau de la petite salle attenante à la salle des professeurs. Nous le partagions avec quatre collègues. Un rayon de soleil désignait ma main posée sur le bureau brun. Il avait traversé la fenêtre à ma gauche, me berçait, sans m’étouffer de sa force estivale. Le silence me parut également propice à l’écriture.
Extrait de Il est mort Jim, p. 282, Ezema

 

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