Philippe Sollers à propos de la pianiste Martha Argerich :
Elle fait semblant qu’il y a d’autres musiques.
Tout le monde fait semblant.
Mais non : Bach.
http://www.philippesollers.net/martha-argerich.html
Le TGV Côte d’Azur l’avait déposé dans un de ses joyaux après l’avoir promené sur l’écrin de sa côte. Les yeux emplis de la mer Méditerranée pour le prix d’une pacotille, il débarqua à la gare de Cannes, salua les palmiers qui ne sauraient manquer et goûta le plaisir de marcher en direction de la Croisette en plein hiver. Qui n’habite pas au bord de la mer ne va pas à la plage lorsqu’elle n’est pas un tremplin vers la baignade estivale. Pourtant, lorsque le ciel est bleu, le sable et l’eau ont les mêmes couleurs marrons et bleus de l’invitation. Seuls les vêtements des passants et leur bienvenue rareté sont l’indication de la saison.
Simon s’assit sur un muret qui séparait la promenade de la plage et observa longtemps la mer, comme une première étape méditative de sa semaine de retraite. Il privait souvent ce dernier mot de sa voyelle finale, sans hommage aucun pour Georges Pérec dont La disparition avait, dans sa bibliothèque, une constante absence, le meilleur hommage à son titre et à cette expérimentation de l’Oulipo et du Nouveau roman dans leur combat contre la littérature. Ce moment avec lui-même, dans la solitude de la mi-journée, était l’issue de retraits successifs : celui de sa vie antérieure avec son extraordinaire don musical, du brouhaha de l’incommunication humaine avec son soudain mutisme et de la répétition écrasante de longues années de travail avec son départ définitif. Sa vie était si bouleversée que son rapport au temps gisait sur cette plage sur laquelle ses yeux se posaient.
L’invitation arriva par courrier glissé sous sa porte, à la manière liménienne. Ma tante Valentine d’Ouro Preto me conviait au lancement du livre A paixão de Tiradentes, celui qu’elle avait écrit avec son étudiant Enrique. C’était un joli document avec le titre du roman entre une photo de Paris et une autre d’Ouro Preto. Le lancement aurait lieu à la librairie de la ville brésilienne que j’avais fréquentée lors de mon précédent séjour. Dans deux semaines un samedi matin. J’aurais bien voulu y être, pas tellement pour l’événement, plutôt pour la ville. Mais c’était trop loin, trop cher et je manquais de temps. J’écrirais un message de sympathie à ma tante. L’idée d’un voyage à Ouro Preto ne me quitta pas de la semaine, dont je passai une grande partie à la surveillance des examens de fin d’année à la PUC. La date du 15 décembre n’était-elle pas finalement propice à un changement d’emploi du temps ?
Manuscrit en cours d’écriture
L’été succéda au printemps, comme il se doit, puis arriva l’automne au terme d’une série de concerts de Simon en Nouvelle Aquitaine. Il joua au Temple de la Rochelle. Le nom de la salle convenait bien à la haute estime qu’il avait de cette ville lumineuse, où les vieilles pierres prêtent le flanc à l’océan et à de vieilles et récentes histoires de navigation. On l’acclama, son histoire et lui, à la Distillerie de la ville de Pons, en Charente Maritime, dans une salle où le public dut rester debout, ce que sans doute un musicien orthodoxe aurait refusé tout de go.
Le piano, manuscrit en cours d’écriture
Simon Brocas s’offre un concert chez lui dont il est l’interprète. Quelques jours auparavant, il n’y aurait même pas songé : il ne savait pas jouer du piano et n’avait même pratiquement aucune connaissance musicale…
Chaque chapitre, de ce livre dont je poursuis le manuscrit, comporte des compositions qui sont des morceaux que Simon interprète.
Voici, par exemple, un extrait du deuxième chapitre « La parenthèse enchantée » et la liste des oeuvres de Bach qu’il joue.
A Lima, je devins professeur d’histoire. On me disait assez populaire auprès des étudiants et quelque peu atypique pour les canons de la Pontífica Universidad del Perú, la PUC. J’avais choisi, auparavant, pour mon doctorat, de travailler sur le Sentier Lumineux. On était à la fin des années 1980 et c’était un fait d’actualité. Le mouvement maoïste, dirigé par l’énigmatique professeur Abimael Guzmán, le camarade Gonzalo, ensanglantait le Pérou. Les habitants de Lima vivaient au rythme des annonces d’attentats et des nouvelles de massacres dans les zones reculées du pays. La ville interdisait la circulation dès une heure du matin et jusqu’à l’aube. Invariablement, le couvre-feu amenait les patrouilles militaires. Au détour d’une rue, au milieu des places, les piétons attardés tombaient nez à nez avec des tanks et des militaires peu engageants, menaçants avant l’heure et dangereux ensuite.
Le 19 décembre 2018, le Père Brune téléphona au Dr Jean-Jacques Charbonier et lui dit combien il était content de mourir. L’information que le médecin posta sur les réseaux sociaux me sauta aux yeux. Je connaissais ce dernier de mon précédent livre et pensais très souvent au prêtre depuis notre rencontre au Mexique.
Le Père Brune assura Jean-Jacques Charbonier de toute son affection avant de décéder quelques jours plus tard. Je me rendis à son enterrement, un lundi matin que le soleil avait offert à l’hiver. La cathédrale orthodoxe de la Sainte Trinité rutilait sur les abords de Seine. Un long véhicule à la robe métallique en ouvrit les grilles. Les quelques personnes que nous étions le suivirent et entrèrent avec le cercueil dans la salle de la cérémonie. Je reconnus deux médiums sous les icônes, une témoin convaincante au grand coeur d’une lointaine expérience de mort imminente et un écrivain proche du défunt que je n’aimais pas beaucoup.
Marc Boisson, Ça n’intéresse personne, Ezema, p. 1 – 2022
Simon s’assit sur un muret qui séparait la promenade de la plage et observa longtemps la mer, comme une première étape méditative de sa semaine de retraite. Il privait souvent ce dernier mot de sa voyelle finale, sans hommage aucun pour Georges Pérec dont La disparition avait, dans sa bibliothèque, une constante absence, le meilleur hommage à son titre et à cette expérimentation du Nouveau roman dans son combat contre la littérature.
Marc Boisson, Le piano, Manuscrit, 2022, p. 71
Par un matin frais du mois d’avril, vers cinq heures, je sortis de Tamatave. Dès le début, les lacets de la jolie route goudronnée m’amusèrent. La Honda adhérait parfaitement à la chaussée et les sacoches bourrées d’habits et de matériel de toute sorte, amarrées au porte-bagage soudé la veille, ne me ralentissaient pas. Le soleil et bientôt la mer, au détour d’un virage, confortèrent mon optimisme. A Mahambo, station balnéaire de fortune, je m’arrêtai pour piquer une tête et boire un robusta.
Tumbes nous avait gratifié d’une splendide journée pour la conclusion de notre séjour. Nous avons passé la matinée sur la plage, avec un couple de Français qui pratiquaient un tourisme original. Ils s’arrêtaient dans toutes les villes de la côte Pacifique de plus de 40.000 habitants. Je leur ai demandé si c’était un pari, Lis-Angela s’ils avaient de riches mécènes. Ils avaient tout simplement pris une disponibilité de six mois. Lui était employé des impôts et elle, institutrice. Ils avaient atterri à Maracaibo, au Venezuela.
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